Mais qu’est-ce qu’un délit mineur ? Ce sont les délits passibles de peines
d’emprisonnement allant d’un mois à deux ans. Cela concerne les petits délits tels
que le vol sans violence, les actes d’hooliganisme, etc. « Grosso modo, ce sont
des délits qui peuvent être gérés autrement que par la privation de liberté »,
souligne Youssef Madad. D’après lui, 51% de la population carcérale est jugée à
des peines de moins de deux ans et 30% est jugée à des peines inférieures à un
an.
« C’est un constat très grave car les conditions carcérales ne permettent pas une
politique de réinsertion au bout d’une durée aussi courte. Donc là, la fonction de la
réinsertion n’est pas opérée, ce qui conduit à la récidive. Ce phénomène aux
lourdes conséquences grimpe de plus en plus et arrive aujourd’hui à des
pourcentages alarmants allant de 65% à 70% », poursuit ce dernier.
Selon ses propos, pour une capacité de 45.000 détenus, les prisons accueillent
aujourd’hui près de 89.000 personnes incarcérées, soit un taux d’occupation d’à
peu près 200%. « Le taux augmente de l’ordre de 2.000 à 3.000 détenus par an.
L’idée est de sortir de ce cargo pénal, qui a démontré qu’il ne servait à rien. Bien
au contraire, il génère d’autres vagues de délinquances », avance Youssef Madad.
D’après notre source, il existe de nombreux facteurs directs ou indirects qui
entraînent un plus grand recours à l’emprisonnement, comme il existe également
des incitations à modérer cet usage. Dans les pays les plus développés par
exemple, ces pressions à la baisse comprennent la contrainte en termes de
ressources, pour la simple raison que la prison coûte cher.
« Les échecs de la privation de la liberté comme réponse aux problèmes de
société sont de plus en plus reconnus ; il est de plus en plus admis que ces
problèmes trouvent mieux leur réponse hors du champ pénal. Et, ouvertement ou
non, pour des raisons économiques ou non, certains États ont effectué des choix
politiques menant à une diminution du recours à l’incarcération. Une initiative qui
a porté ses fruits », explique Youssef Madad.
« La prison n’éduque pas »
Si la prison symbolise pour une grande majorité des citoyens la sanction de
référence, efficace et visible, elle n’est cependant qu’une possibilité parmi un
éventail de peines qui n’a cessé de s’étoffer et de se diversifier ces dernières
années afin de mieux individualiser la peine et prévenir la récidive : le travail
d’intérêt général, les jours-amende, les stages, la sanction-réparation, la
contrainte pénale, etc.
Ainsi, les peines alternatives à l’incarcération sont l’ensemble des mesures
pénales permettant d’éviter ou de raccourcir une détention. Elles visent à réserver
la peine privative de liberté qu’est la prison pour les cas nécessaires, et de recourir
à ces peines alternatives pour l’ensemble des autres cas. Celles-ci permettent de
limiter l’impact désocialisant de l’incarcération, et est assortie de mesures de
contrôle, d’aide et d’obligations destinées à lutter contre les effets désocialisant
des courtes peines.
En lien avec les mesures d’investigation qui s’effectuent dans la phase pré-
sentencielle, les peines alternatives à l’emprisonnement peuvent être prononcées
grâce à une mesure de contrôle judiciaire socio-éducatif ou une enquête sociale
renforcée. Ces investigations permettent aux magistrats de prononcer la peine la
plus adaptée, à partir d’éléments fiables relatif au parcours de la personne
condamnée.
« En plus de la stigmatisation, la politique de réinsertion ne s’opère pas car la
prison est surpeuplée. Les peines alternatives sont en gestation mais leur
instauration devra prendre du temps car lorsque nous parlons de peines
alternatives nous parlons aussi d’une partie tierce qui devra s’occuper desdits
détenus. Et en plus de toute cette organisation et du budget qu’elle nécessite, il
faudra également que la société soit prête pour ce genre d’initiative », fait savoir
Fatna El Bouih, présidente de l’association Relais-Prison-Société
Selon ses dires, la prison ne pourra jamais remplir son rôle de correction si elle
continue d’accueillir davantage de détenus au détriment de sa capacité
d’occupation. « C’est une tendance qui ne favorise pas la réhabilitation des
détenus en prévision de leur réinsertion sociale », dit-elle. Elle ajoute que le
changement au niveau des lois prend beaucoup de temps et concerne à la fois les
volets législatif et sociétal.
« Ce dépendra de si la société est capable d’accepter ou pas lesdites peines
alternatives. Car nous avons souvent tendance à croire que la prison éduque,
alors que ce n’est pas le cas. C’est surtout le rôle que doivent jouer la famille,
l’école ainsi que l’entourage de tout un chacun. Une chose est sûre, l’éducation
ne se fait jamais par la violence », conclut Fatna El Bouih.
H24 INFO